Peut-être plus encore que la Première Guerre mondiale durant laquelle elle est née c’est à l’époque de la Seconde Guerre mondiale que la reconnaissance photographique prit véritablement son essor. Et il en était dès lors fini des avions lents et peu manœuvrables. L’ère était désormais aux avions disposant de capacités comparables avec celles des chasseurs et/ou des bombardiers, Bapteme et vol en avion de chasse et pour cause. En effet la majorité des avions de reconnaissance étaient alors des avions d’armes modifiés spécialement. L’un des exemples les plus frappants fut la série des Lockheed F-4 et F-5 Lightning utilisés par l’US Army Air Force de 1942 à la fin du conflit.
Lorsque l’empire nippon attaqua les États-Unis à Pearl Harbor le 7 décembre 1941 le gros de la reconnaissance tactique de l’aviation américaine reposait sur des avions au potentiel dépassé. La dizaine de Fairchild F-1 en service depuis 1932 était alors totalement inaptes à être employés autrement que pour l’entraînement tandis que la quinzaine de Beechcraft F-2 achetée un an et demi plus tôt était largement insuffisante. Dérivé du bimoteur de transport civil Model 18S cet avion fut massivement commandé en série dès l’entrée en guerre des Américains. Dans le même temps l’aviation américaine s’intéressait au Douglas F-3, un avion de reconnaissance non armé dérivé du bombardier léger A-20 Havoc. Cependant cet avion se révéla rapidement assez peu efficace.
Si bien que dès le début de l’année 1942 il devint évident pour les généraux américains que l’avenir résidait dans la transformation en avions de reconnaissance de chasseurs existant déjà. Leur dévolu se jeta sur deux avions différents : le premier bimoteur et le second monomoteur. Il s’agissait respectivement du Lockheed P-38 Lightning et du North American P-51 Mustang. Chez Lockheed on préleva un P-38E sur lequel on déposa les mitrailleuses et points d’emports de bombes tandis qu’on installa quatre caméra K-17B-1 de 152mm de focale. Le Lockheed XF-4 était né. Outre ce prototype un lot de 98 exemplaires de série fut commandé comme F-4. Quelques semaines plus tard il fut décidé de transformer 20 P-38F de la même manière et de leur attribué la désignation de F-4A.
Dès le mois d’avril 1942 les premiers Lockheed F-4 Lightning entrèrent en service. Si quelques exemplaires furent envoyés rapidement dans le Pacifique où les besoins en renseignement d’origine aéroportée étaient conséquents la majorité des avions demeura sur le sol américain. Il fallait en effet former les futurs pilotes à l’art délicat (et très dangereux) du pilotage d’un avion de reconnaissance au-dessus d’une zone ennemie.
À l’été 1942 il devint évident que le Lockheed P-38 Lightning représentait une plateforme idéale pour fournir des avions de reconnaissance tactique à long rayon d’action. C’est ainsi que furent construits le F-5 Lightning et ses sous-versions F-5A, F-5B, F-5C, F-5E, et F-5G dérivées de diverses séries du célèbre chasseur bimoteur bipoutre. Toutes avaient la particularité de n’emporter aucun armement. Une version F-5D dotée de quatre mitrailleuses de calibre 12.7mm fut bien étudiée et assemblée sous la forme d’un exemplaire YF-5D mais sans dépassé le stade de la présérie. Les armes de défense créaient des turbulences qui faisaient vibrer les caméras K-22-1 et K-22-2 qu’embarquait l’avion.
Désormais donc les Lockheed F-5 Lightning allaient débuter leurs actions de guerre au-dessus du Pacifique et de l’Europe assiégée. De leur côté les F-4 demeureraient aux États-Unis afin de former les futurs pilotes. Mais bien rapidement l’avion de reconnaissance vedette de l’US Army Air Force intéressa les forces alliées. Alors que la Royal Air Force le testa mais sans y donner de suite il fut livré au titre du prêt-bail à l’Australie, la France libre, et l’Union Soviétique.
Dès l’année 1943 le Lockheed F-5 Lightning était devenu l’avion de reconnaissance numéro 1 des forces alliées dans le Pacifique. En Europe il en était tout autrement puisqu’il devait « affronter » la concurrence du De Havilland Mosquito britannique, Vol en avion de chasse un avion tellement adapté que cette même année il fit son apparition dans les rangs de l’US Army Air Force qui acheta une quarantaine d’exemplaires comme F-8 Mosquito. Pourtant l’avion de reconnaissance de facture américaine s’en sortait toujours avec les honneurs.
En préparation du Débarquement de Normandie les vols de reconnaissance s’accélérèrent et évidemment les Lockheed F-5 Lightning y prirent largement part. Il en était de même en prévision du Débarquement de Provence. C’est d’ailleurs en préparant celui-ci que l’un des plus célèbres pilotes de Lightning de reconnaissance a perdu la vie. Le 31 juillet 1944 le pilote et écrivain français Antoine de Saint Exupéry était abattu aux commande de son F-5B au-dessus de la Méditerranée. L’auteur du «Petit Prince» n’y survécut pas.
Il est à noter qu’en décembre 1943 l’US Navy a reçu un lot de quatre exemplaires qu’elle désigna FO-1P. Similaires aux F-5B ils furent utilisés depuis une base aéronavale sise dans le Pacifique. Cependant ces avions ne réussirent jamais à démontrer leurs capacités et furent rendus à l’US Army Air Force en juin 1944. Ainsi s’arrêta la carrière navale des Lightning de reconnaissance.
À la fin du conflit les Lockheed F-5 Lightning avaient réalisé près de 30% de toutes les missions de reconnaissance des forces alliées. Missions ô combien importantes mais bien souvent absentes des manuels d’histoire c’est pourquoi nous sommes si évasifs à leur sujet. Outre les pays précités des exemplaires ont volé après guerre sous les cocardes italiennes, portugaises, et taïwanaises.
Lorsque l’US Air Force remplaça l’US Army Air Force en septembre 1947 les Lockheed F-5 devinrent des RF-38. Les F-4 eux avaient quitté le service actif au début de l’année précédente. Ils furent finalement remplacés à leur tour en janvier 1948 au profit de Northrop RF-61 Reporter. Aujourd’hui les désignations F-4 et F-5 sont plus souvent assimilés aux chasseurs Phantom II et Freedom Fighter qu’à des avions de reconnaissance de la Seconde Guerre mondiale. Et pourtant eux aussi ont marqué l’histoire aéronautique !